Les plus brillants esprits de la nature
Si nous sommes l’espèce la plus intelligente de la planète, notre position n’en est pas moins menacée. Plus on observe l’intelligence animale, plus on retrouve les caractéristiques qui font de l’espèce humaine une espèce à part.
L’intelligence n’est pas le but ultime de l’évolution, il s’agit simplement d’une stratégie parmi d’autres afin d’assurer une survie assez longue pour transmettre ses gènes. Les bactéries, les champignons et les plantes connaissent une réussite bien plus grande que la nôtre, quel que soit l’indicateur ; aucun d’eux ne possède pourtant la moindre cellule cérébrale.
Les dinosaures sauropodes possédaient un cerveau dont la taille représentait 1/100 000e de leur corps, ils ont pourtant survécu pendant 100 millions d’années. L’homme est très loin du compte. Un gros cerveau est un organe exigeant ; il nécessite beaucoup de nourriture et sa température doit être constamment élevée pour fonctionner efficacement. Mais ce que l’intelligence offre en retour, c’est la flexibilité.
Si tous vos comportements sont déjà programmés dans votre cerveau à la naissance, c’est seulement par le lent procédé de la mutation génétique et de sélection naturelle. Vous pouvez vous adapter à la vie dans un environnement en constante évolution. Si l’environnement change plus rapidement que la vitesse à laquelle vous pouvez évoluer, votre espèce s’éteint. L’intelligence procure un raccourci à ce procédé.
Les macaques japonais de l’île de Honshu ont appris à laver les patates douces dans de l’eau de mer pour en éliminer la saleté après avoir observé une femelle, premier individu du groupe à avoir découvert l’intérêt d’une telle manipulation. Ils sont ensuite allés plus loin et ont commencé à utiliser l’eau de mer pour séparer les grains de riz et de blé du sable.
En 2005, des chercheurs observèrent une orque qui régurgitait du poisson à la surface de l’eau pour attirer les mouettes qu’elle mangeait ensuite. En quelques semaines seulement, quatre autres orques utilisaient la même tactique de chasse.
Intelligence et naissance
Mesurer l’intelligence animale est une tâche difficile puisque nous affichons un parti pris naturel pour les animaux qui se comportent comme nous. Nous sommes des bâtisseurs bruyants et grégaires, et pour cette raison, la méditation solitaire et silencieuse de la pieuvre nous échappe facilement. La capacité d’apprentissage est l’une des façons d’évaluer l’intelligence? La plupart des mammifères naissent avec des cerveaux qui ont déjà atteint 90 % de leur poids adulte, mais pour apprendre, de nouvelles connexions doivent se mettre en place dans le cerveau, et celles- ci prennent de la place. Plus l’animal est intelligent, moins son cerveau est développé à la naissance. À la naissance, les cerveaux des bébés chimpanzés pèsent 54 % de leur poids adultes et ceux des dauphins 42,5 %.
Reconnaissance du langage
L’un des usages primordiaux de l’intelligence est la communication avec d’autres membres de l’espèce. Presque tous les animaux savent signaler par un message à un autre individu de leur espèce, mais il s’agit là d’une forme de communication instinctive. Un vrai langage se transmet plutôt culturellement que génétiquement et permet la communication de concepts abstraits, telle que l’évocation d’événements passés ou la référence à des choses qui ne sont pas physiquement présentes lors de la conversation. Jusqu’à présent, il semblerait qu’aucun langage animal ne possède la même flexibilité et la même richesse que le langage humain. Mais la différence n’est pas si grande.
Les marmottes émettent des cris d’alarme différents pour chaque espèce de prédateurs et peuvent décrire la taille, la couleur et la vitesse de chacun d’eux. Les grands dauphins nagent en groupe et les meneurs de chaque groupe communiquent entre eux sur des distances allant jusqu’à 9 km, indiquant l’âge, le sexe et même le nom des membres de leur groupe. Le calmar des Caraïbes change la couleur et la texture de sa peau pour se faire menaçant ou signaler sa disponibilité sexuelle. Il peut même adapter le message à son public : un calmar mâle, avec une femelle à sa gauche et un mâle rival à sa droite peut afficher un motif agressif sur le côté droit de son corps, et inviter la femelle à le rejoindre avec un motif différent à gauche.
Croissance et jeu
Le goût du jeu est un autre indicateur puissant de l’intelligence. Le jeu est une manière importante de découvrir et d’apprendre de nouveaux comportements. En fait, s’ennuyer facilement pour s’apparenter à un trait de l’instinct de survie : l’individu désœuvré est poussé à expérimenter, comportement qui peut mener les animaux à faire des découvertes. Des macaques jouent avec de petits cailloux, mais quand la nourriture se fait rare et qu’ils doivent consacrer plus de temps à la cueillette, ils renoncent à ce passe-temps.Les pieuvres se divertissent en lâchant de petits objets dans des courants marins circulaires, les rattrapent et les lâchent de nouveau. Les humains sont-ils quand même plus intelligents que les animaux ?
Pas de façon équivoque. Alors que les scientifiques mettent au point de nouvelles méthodes pour évaluer leur intelligence de manière plus appropriée, le score des animaux ne cesse de s’améliorer. On croyait encore récemment que les chimpanzés étaient peut doués pour la reconnaissance faciale, mais les tests avaient jusque-là étaient effectués avec des visages humains. Lorsqu’ils utilisèrent des portraits de chimpanzés, les chercheurs découvrirent que les singes testés étaient même capables de détecter des ressemblances familiales dans les portraits de chimpanzés qu’ils n’avaient jamais rencontrés. Et en 2008, un chimpanzé baptisé Ayumu battit le champion d u monde de la mémoire, Ben Pridmore, lors d’un exercice consistant à mémoriser des séquences de nombres. Les animaux ont encore beaucoup à nous apprendre.